Sur les conséquences de la conduite en état d’ivresse sur l’indemnisation des victimes d’un accident de la route, l’assurance peut-elle opposer une déchéance de garantie ? Peut-on être indemnisé des suites d’un accident lorsque l’on est sanctionné pour conduite en état d’ivresse ?

Il est communément admis que lorsque l’on conduit sous l’empire d’un état alcoolique et qu’on provoque un accident de la circulation, l’assurance se détourne du conducteur responsable et n’assume pas l’indemnisation des victimes.

Le contrat d’assurance automobile repose dès lors sur un principe de déchéance de garantie dans le cadre d’une conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Cette idée générale mérite d’être précisée car il existe de nombreux domaines dans lesquels l’assurance doit intervenir, prendre en charge les conséquences de l’accident et indemniser même si le conducteur responsable est sanctionné de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

Interdiction de la déchéance de garantie dans le cadre de la responsabilité civile obligatoire :

Il est essentiel de distinguer, dans le cadre d’un contrat d’assurance, la responsabilité civile obligatoire et les garanties complémentaires.

Le contrat d’assurance auto se compose d’une garantie civile, responsabilité civile obligatoire. On ne peut pas conduire un véhicule sans être assuré. L’assurance automobile est obligatoire depuis 1958 en FRANCE.

Les contrats d’assurance ne produisent leur effet que lors de la survenance d’un sinistre assuré. Dans ce cas, l’indemnisation est faite en tenant compte de la déclaration de l’assuré, du constat amiable complété, du rapport de l’expertise éventuellement, mais aussi des clauses du contrat.

Il convient donc de distinguer la nature des garanties proposées par le contrat d’assurance en matière de responsabilité civile obligatoire. Tous les contrats d’assurance s’appliquent y compris dans le cadre d’une conduite sous l’empire d’un état alcoolique.

La responsabilité civile est en fait la garantie minimum du contrat d’assurance automobile. On parle d’assurance au tiers. Cette garantie ne couvre que les dommages causés aux autres biens ou personnes, donc ceux des véhicules percutés, les blessures des usagers, en dehors du conducteur responsable, comme les piétons, mais aussi les dégâts subis par les biens matériels de toute nature du fait de l’accident.

Dans le cadre donc de l’assurance au tiers, lors d’une collision avec un tiers responsable, c’est l’assurance de cette personne qui prend en charge les dommages.

La combinaison du champ d’application de la responsabilité civile obligatoire avec la problématique de la conduite sous l’empire d’un état alcoolique est réglée par l’article L 211 du Code des assurances, à savoir qu’est réputée non écrite toute clause stipulant la déchéance de garantie de l’assuré en cas de condamnation pour conduite en état d’ivresse ou sous l’empire d’un état alcoolique ou pour conduite après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants.

Dès lors, en cas de commission d’une de ces deux infractions, c’est-à-dire conduite sous l’empire d’un état alcoolique, état d’ivresse manifeste ou conduite après usage de stupéfiant, l’assureur ne peut pas opposer à son assuré une déchéance pour la garantie, responsabilité civile obligatoire, ni donc recourir contre lui lorsqu’il est responsable après paiement de ses victimes.

Validité des clauses de déchéances de garantie pour les garanties facultatives :

Dans le cadre d’un contrat d’assurance auto, il existe par contre un grand nombre de garanties facultatives en fonction de l’étendue des garanties souscrites par l’assuré : la garantie défense recours, la sécurité conducteur, l’assistance dépannage, le bris de glace, les catastrophes naturelles et catastrophes technologiques, vol, incendie, garanties annexes, etc. Chaque contrat d’assurance comporte sa spécificité.

Dans le cadre de ces garanties contractuelles, l’assureur a donc la liberté contractuelle d’imposer dans ces clauses une déchéance de garantie.

Ces clauses sont la plupart du temps rédigées en référence aux articles du Code de la route réprimant ces infractions, qu’elles entrainent ou non une condamnation pénale.

Il convient donc d’analyser au cas par cas la possibilité de voir une compagnie d’assurance vous opposer votre déchéance de garantie dans le cadre de l’indemnisation des préjudices subis du fait de l’accident notamment les garanties dommages au véhicule et les garanties dommages corporels du conducteur.

Conséquence de la faute pénale sur le droit à indemnisation du conducteur :

Dans le cadre de ces préjudices corporels, la grande problématique dans le cadre des contrats d’assurance et leur applicabilité des suites d’un accident de la route et les graves préjudices que peut subir le conducteur lui-même des suites de l’accident, alors qu’il est responsable, est sanctionné pénalement d’une conduite en état d’ivresse ou d’une conduite sous stupéfiant.

Est-ce que sa faute justifie à voir la compagnie d’assurance ?

Est-ce que la faute du conducteur limite son droit à indemnisation et en cas de décès droit, indemnisation de ses ayants-droits ?

C’est la sanction de ce qu’on appelle les fautes de comportements du conducteur victime.

L’assemblée plénière du 6 avril 2007 a mis fin à l’exclusion de garantie dans le respect des fondements du droit de la responsabilité civile à vocation indemnitaire. Elle exige un lien de causalité entre l’état d’ivresse du conducteur et l’accident pour que lui soit opposée une exclusion de garantie. Autrement dit, il faut pouvoir démontrer que c’est l’état d’ivresse qui est la seule à l’origine de l’accident pour pouvoir refuser d’indemniser une victime conductrice.

La jurisprudence de l’assemblée plénière du 6 avril 2007 retient en effet qu’après avoir examiné les circonstances de l’accident, la Cour a pu déduire l’absence de lien de causalité entre l’état d’alcoolémie du conducteur victime et la réalisation de son préjudice.

La preuve d’un excès de vitesse n’étant par ailleurs pas rapportée, on en est ainsi revenu à une application d’une jurisprudence traditionnelle dans l’esprit de la loi de juillet 1985, notamment la notion de cause exclusive de l’accident.

La conduite sous l’empire d’un état alcoolique n’étant pas la cause exclusive de l’accident, la déchéance de garantie ne peut pas être opposée au conducteur responsable.

En conclusion, dans le cadre d’un accident de la route, il existe un grand nombre de postes de préjudices que les victimes peuvent faire valoir : les préjudices matériels sur les véhicules eux-mêmes, puis les préjudices corporels sur les victimes passagères et les préjudices corporels sur le conducteur responsable ou non. En fonction de la gravité du sinistre et de l’étude de responsabilité, la compagnie d’assurance interviendra plus ou moins.

Néanmoins, il n’existe pas de position de principe communément admise, d’une exclusion de garantie du fait d’une alcoolémie. Au contraire, il convient de s’opposer fermement à toutes décisions en ce sens des compagnies d’assurance et analyser au cas par cas le lien de causalité entre la prise d’alcool et les préjudices dont on demande réparation.