Un an et demi après la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales est (enfin) publiée.

Vous trouverez ci-dessous un relevé quasi exhaustif des différentes modifications qui en résultent et qui interviendront, pour la plupart, à compter du 1er octobre et, pour certaines, à compter du 1er janvier 2015, voire du 1er janvier 2017. Le texte final, peu censuré par le Conseil constitutionnel à l’exception des dispositions prévoyant une majoration des amendes pénales au profit de l’indemnisation des victimes (V. décis. n° 2014-696 DC, 7 août 2014), présente à l’évidence le résultat des négociations qui se sont tenues entre les ministères de la Justice et de l’Intérieur, puis entre l’Assemblée nationale et le Sénat

Principes généraux concernant les peines et leur exécution

 Redéfinition des fonctions de la peine et des objectifs de son exécution (C. pén., art. 130-1, 132-1 ; C. pr. pén., art. 707 et suppression art. 1 de la loi pénitentiaire) ;

 abrogation des peines planchers (C. pén., anc. art. 132-18-1, 132-19-1, 132-19-2) ;

 entrée dans le Code de procédure pénale des mesures de justice restaurative (C. pr. pén., art. 10-1) ;

 création d’un ajournement de la peine aux fins d’investigations sur la situation de la personne condamnée (C. pén., art. 132-70-1 et 132-70-2 et C. pr. pén, art. 397-3-1) ainsi que d’un ajournement aux fins de consignation d’une somme d’argent destinée à garantir le paiement d’une éventuelle peine d’amende (C. pén., art. 132-70-3) ;

 instauration d’une diminution du tiers de la peine encourue (30 ans pour la perpétuité) en cas d’altération du discernement, que la juridiction peut écarter par décision spécialement motivée (C. pén., art. 122-1), et possibilité pour le juge d’application des peines (JAP) d’ordonner une obligation de soins lorsque la personne n’a pas été condamnée à un suivi socio-judiciaire (SJJ) (C. pr. pén., art. 706-136-1), assortie d’une peine de deux ans maximum en cas de violation (706-139) ;

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 création d’une peine alternative d’interdiction pendant cinq ans maximum d’une voiture non équipée d’un anti-démarrage à l’éthylotest (C. pén., art. 131-6, 5 bis) ;

 extension de la possibilité pour le JAP de prononcer une surveillance judiciaire pour toute sortie sèche (C. pr. pén., art. 721-2) ;

 favorisation de l’accès des personnes incarcérées aux dispositifs de droit commun (L. pénitentiaire, art. 30).

Régimes général et simplifié des aménagements de peines

 L’aménagement ab initio demeure possible aux mêmes seuils (2 ans, un an pour les récidivistes) mais est étendu aux cas où la personne exécute déjà une peine aménagée ou une contrainte pénale (C. pr. pén., art. 474)

 l’expertise psychiatrique avant aménagement, qui était obligatoire en cas de condamnation pour une infraction pour laquelle le SSJ est encouru, ne le devient qu’en cas de condamnation effective à un SSJ (C. pr. pén., art. 712-21) ;

 suppression de la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP ; à compter du 1er janvier 2015, C. pr. pén., art. 723-28) ;

 suppression de la procédure simplifiée pour les condamnés incarcérés (abrogation des art. 729-19 à 729-27, C. pr. pén. à compter du 1er janv. 2015) ;

 si une « procédure 723-15 » n’a pas donné lieu à la mise à exécution de la peine dans les trois ans, le condamné sera convoqué devant le JAP, la convocation suspendant la possibilité pour le parquet de mettre à exécution (C. pr. pén., art. 723-17-1).

Libérations sous contrainte et conditionnelle

 Création de la libération sous contrainte qui consiste en un examen obligatoire par le JAP de la situation du condamné : – pour une peine inférieure ou égale à cinq ans : examen à mi-peine en commission d’application des peines (CAP) avec convocation possible du condamné ou observations écrites, la libération prenant la forme d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur (PE), d’un placement sous surveillance électronique (PSE) ou d’une liberté conditionnelle (LC) (C. pr. pén., art. 720), – pour une peine supérieure à cinq ans : examen aux deux tiers de peine en débat contradictoire par le JAP ou le tribunal d’application des peines (TAP) , la libération prenant la forme d’une LC (C. pr. pén., art. 730-2) ;

 unification des seuils de LC pour les primaires et les récidivistes à mi-peine à compter du 1er janvier 2015 (C. pr. pén., art. 729) ;

 ajout de la possibilité pour les condamnés astreints à une période probatoire à la LC de l’effectuer en PE (C. pr. pén., art. 730-2) ;

 possibilité de basculer, sans condition de durée relative à la peine, d’une suspension médicale de peine à une LC quand la suspension s’avère toujours justifiée au bout de trois ans (C. pr. pén., art. 729).

Régime applicable aux récidivistes légaux

En sus des dispositions exposées ci-dessus (seuil de LC ramené à mi-peine et suppression des peines planchers) :

 obligation de motivation spéciale des peines d’emprisonnement ferme y compris pour les personnes condamnées en état de récidive (C. pén., art. 132-19) ;

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  alignement du régime des réductions de peine des récidivistes sur celui des délinquants dits primaires à compter du 1er janvier 2015 pour les crédits de réduction de peine (CRP) (3 mois la première année, deux mois les années suivantes, C. pr. pén., art. 721) et les réductions de peine supplémentaire (RPS) (trois mois maximum par an, C. pr. pén., art. 721-1) ;

 ouverture de la LC « parentale » aux récidivistes à compter du 1er janvier 2015 (C. pr. pén., art. 729-3).

Contrainte pénale

 Pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement de cinq ans maximum à compter du 1er octobre 2014 et pour tous les délits punis d’une peine d’emprisonnement à compter du 1er janvier 2017, la contrainte pénale emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre, pendant 6 mois à 5 ans, à un ensemble de mesures de contrôle et d’assistance, d’obligations et d’interdictions listées par le texte (dont l’injonction de soins) ; en cas d’inobservation, la peine encourue ne peut être ni supérieure à deux ans ni supérieure à la peine initialement encourue. Les mesures sont prononcées par la juridiction de condamnation ou par le JAP en cas d’absence de la personne au prononcé de la peine, elles peuvent en tout état de cause être modifiées par le JAP (C. pén., art. 131-4-1) ;

 après l’évaluation par les SPIP, la décision du JAP est prise après débat contradictoire dans les quatre mois de la condamnation. Il peut mettre fin à la contrainte pénale de manière anticipée (C. pr. pén., art. 713-42) ;

 en cas d’inobservation la réponse du JAP pourra être graduée : rappel ou modifications des obligations pouvant intervenir plusieurs fois, et, seulement en cas d’insuffisance, saisine du président du TGI aux fins de mise à exécution de l’emprisonnement (C. pr. pén., art. 713-47).

Sursis

 Sursis simple : suppression de la révocation automatique d’un sursis simple en cas de nouvelle condamnation : la révocation devra désormais être prononcée par le tribunal (C. pén., art. 132-36 et C. pr. pén., art. 735) ;

 sursis avec mise à l’épreuve (SME) : – ajout d’obligations nouvelles (autorisation du Jap pour un changement d’emploi ou de résidence ou un déplacement à l’étranger, passage du permis de conduire, interdiction de jouer à des jeux de hasard : C. pén., art. 132-44 et 132-45), – possibilité de prononcer plusieurs révocations partielles (C. pén., art. 132-49), – possibilité de prononcer la révocation globale de deux SME (C. pén., art. 132-50), – possibilité de prononcer la révocation partielle du SME après le délai d’épreuve quand le manquement ou l’infraction a eu lieu pendant ce délai (132-52) ;

 sursis avec travaux d’intérêt général (TIG) : – augmentation du seuil maximal à 280 heures au lieu de 210 (C. pén., art. 132-54) y compris en cas de conversion d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à six mois en peine avec sursis-TIG (132-57), – possibilité pour le JAP de substituer à une peine de jours-amende un sursis TIG (C. pr. pén., art. 747-1-2).

Dispositions relatives aux femmes enceintes de plus de douze semaines

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 Disposition générale incitant à ce que l’exécution des peines privatives de liberté concernant les femmes enceintes de plus de douze semaines se fasse en milieu ouvert (C. pr. pén., art. 708-1) ;

 allongement du seuil de la suspension de peine pour raison familiale de deux à quatre ans pour les personnes exerçant l’autorité parentale sur un enfant de mois de dix ans ou pour les femmes enceintes (C. pr. pén., art. 720-1) ;

 possibilité de demander une mesure de LC probatoire avant une LC « parentale » (C. pr. pén., art. 723-1) ;

 ouverture de la LC « parentale » aux femmes enceintes (C. pr. pén., art. 729-3).

Police, gendarmerie et PPSMJ

 Extension des possibilités de retenue d’une personne placée sous contrôle judiciaire soupçonnée d’avoir manqué à ses obligations et application d’une partie des droits de la personne gardée à vue (C. pr. pén., art. 141-4) ;

 possibilité de procéder à une perquisition chez une personne sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique soupçonnée de détenir une arme (C. pr. pén., art. 141-5) ;

 inscription au fichier des personnes recherchées toutes les obligations et interdictions résultant d’un dispositif d’aménagement de peine ou de peine alternative à la détention (C. pr. pén., art. 230-19) ;

 extension de la retenue en cas de violation de ses obligations ou interdictions par une personne condamnée (C. pr. pén., art. 709-1-1) ;

 possibilité de procéder à une perquisition en cas de soupçon de détention d’arme (C. pr. pén., art. 709-1-2) ;

 possibilité de mener des investigations (dont, notamment, interceptions de correspondance et géolocalisation) sur instruction du JAP pour vérifier la violation de ses obligations ou interdictions par une personne condamnée (C. pr. pén., art. 709-1-3) ;

 possibilité pour les officiers de police judiciaire (OPJ) de proposer une transaction pénale à l’auteur d’une contravention ou d’un délit faisant encourir une peine de un an d’emprisonnement maximum, sur autorisation du procureur de la République, la transaction étant homologuée par le président du TGI ou son représentant (C. pr. pén., art. 41-1-1).

Dispositions diverses

 Codification de la présence d’un Bureau d’aide aux victimes dans chaque TGI (C. pr. pén., art. 706-15-4) ;

 codification de l’obligation de la présence d’un Bureau de l’exécution des peines dans chaque TGI et dans chaque cour d’appel à compter du 18 août 2015 (C. pr. pén., art. 709-1) ;

 possibilité pour une personne placée en détention provisoire de demander sa mise en liberté pour raisons médicales (C. pr. pén., art. 147-1) et simplification de la procédure d’urgence pour les condamnés (art. 720-1-1) ;

 les dommages et intérêts portés dans la partie dédiée du compte nominatif des personnes détenues, qui ne seront pas réclamés par les parties civiles, seront versés au Fonds de garantie des victimes d’acte de terrorisme et d’autres infractions (C. pr. pén., art. 728-1) ;

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 précision relative à la motivation des décisions concernant les confusions de peines (C. pr. pén., art. 710) ;

 tentative d’amélioration de la coordination entre les différents acteurs de l’exécution des peines en milieu ouvert au sein des conseils de prévention de la délinquance (CSI, art. L. 132-10-1).