Faut-il aller chercher ces fameuses lettres qui annoncent de mauvaises nouvelles ?

En matière de permis de conduire, les informations relatives à l’avis de suspension immédiate provisoire d’un permis de conduire ou les arrêtés d’invalidation du permis de conduire pour défaut de point sont adressées par lettre recommandée.

Il est d’usage de s’interroger sur l’opportunité d’aller récupérer ce recommandé ?

De nombreuses rumeurs et légendes autour de la récupération de ces recommandés sont rapportées par les contrevenants. Il convient de faire le point sur la nécessité selon nous de récupérer les recommandés pour mieux organiser sa défense.

I. Le recommandé annonçant une suspension provisoire

La notion de suspension provisoire

Nous sommes dans cette hypothèse non pas dans le cadre d’une annulation de permis, mais dans le cadre d’une suspension provisoire, une suspension provisoire préfectorale qui arriverait après la commission d’un délit.

Aux termes de l’article L. 224-2 du Code de la route, la suspension du permis de conduire est une sanction complémentaire qui peut être envisagée dans le cadre des délits les plus graves, à savoir :

-les grands excès de vitesse, les conduites après usage de stupéfiants, les conduites en état d’ivresse manifeste ou sous l’empire d’un état alcoolique ou le refus de se soumettre aux vérifications destinées à établir la preuve de l’état alcoolique-

Dans le cadre de ces infractions, après une interpellation, la police a la possibilité d’immobiliser le véhicule, puis de prendre un avis de rétention immédiate du permis de conduire.

Cet avis de rétention prive le fautif de son droit de conduire pendant une durée de 72 heures, durée qui permettra par la suite au préfet de prendre un arrêté de suspension.

Cet arrêté de suspension peut être notifié directement au conducteur dans le cadre d’un nouveau rendez-vous au commissariat. Il est alors re-convoqué. Il peut également être adressé par courrier recommandé.

Nous sommes là dans le cadre de ce que l’on appelle la procédure d’urgence de la suspension provisoire. La suspension provisoire n’est pas la sanction. Elle est, par définition, provisoire : c’est-à-dire que sur une durée fixée sur la base de barème, le préfet, avant jugement, vous interdira de conduire jusqu’à votre comparution devant le tribunal. Cette comparution devant le tribunal se fera sous la forme d’une citation à comparaître ou d’une citation dans le cadre d’une reconnaissance préalable de culpabilité ou exceptionnellement dans le cadre d’une composition pénale ou encore d’une ordonnance pénale qui vous serait notifiée.

Sans décision de justice, nous sommes dans une sanction avant dire droit, une sanction qui est censée être exceptionnelle et qui est la traduction du pouvoir de police du préfet qui prend une mesure qu’il considère comme urgente, à savoir empêcher une personne potentiellement dangereuse au volant de conduire dans l’attente de son jugement.

Si par la suite, dans le cadre de l’audience de jugement, vous obtenez une nullité ou une relaxe, vous aurez effectué la période de suspension pour rien, de la même manière que des prévenus effectuent de la détention provisoire de façon inutile dès lors qu’ils sont relaxés à l’issue d’une information ou d’une comparution devant le tribunal.

La question se pose de savoir si l’on va donc chercher ce recommandé qui annonce cet avis de suspension. Pour notre cabinet, la réponse est tout simplement oui, d’une part parce que la jurisprudence n’est pas favorable à l’absence de réception du pli recommandé pour faire valoir une prétendue inopposabilité de la suspension.

La chambre criminelle de la Cour de cassation retiendra la mauvaise foi du contrevenant qui savait très bien qu’il allait faire l’objet d’une suspension puisqu’il avait déjà fait l’objet d’un avis de rétention préalablement. D’autre part, parce qu’il est essentiel, sur le plan stratégique, de connaître la durée de cette suspension pour pouvoir se positionner dans le cadre de l’audience de jugement à venir : c’est-à-dire accepter ou non une CRPC, demander une réduction de la suspension lors des débats.

Le juge pénal retiendra la durée de suspension déjà effectuée dans le quantum de la sanction, en toute hypothèse. Il est donc préférable, dans cette matière, d’opter pour la réception du recommandé et organiser sa défense sur le plan pénal avec l’appréciation des éventuelles nullités de procédure à faire valoir devant le magistrat.

Peut-on attaquer l’arrêté de suspension provisoire ?

La réponse est oui. Nos confrères de l’ACDA ont obtenu des décisions favorables en matière de suspension de permis de conduire dans le cadre des procédures d’urgence, c’est-à-dire la procédure qui suit les 72 heures d’un avis de rétention.

Lorsque l’arrêté n’est pas valablement motivé, il est possible d’en obtenir son annulation mais c’est une procédure difficile car, en termes de délai, il faut pouvoir obtenir du tribunal administratif une réponse rapide, avant l’expiration de la durée de suspension.

Néanmoins, il est intéressant d’envisager de contester cet arrêté de suspension provisoire dans l’hypothèse d’un passage au tribunal lointain, pour éviter de ne pas pouvoir conduire le temps de la procédure.

Les contestations pour défaut de motivation ne portent que sur les suspensions provisoires dans le cadre des procédures d’urgence, c’est-à-dire celles qui sont matérialisées par un formulaire 3F. Mais le préfet peut également avoir recours à une procédure prévue à l’article L. 224-7 du Code de la route. L’arrêté de suspension de permis de conduire est alors établi par le biais d’un formulaire 1F. La prise de cet arrêté n’est plus soumise au délai de 72 heures. Il peut donc arriver à tout moment, il n’y a pas d’obligation de motivation sur ce formulaire-là.

Dans de nombreux cas, l’intéressé se verra restituer son permis de conduire par les agents de police. Il recommencera à conduire puis recevra, quelques semaines après, par le biais d’un formulaire 1F, un avis de suspension dans l’attente de sa comparution. Dans cette hypothèse, il n’y a pas, malheureusement, de voie de recours très efficace, hormis à titre tout à fait exceptionnel la saisine de la commission ou le recours gracieux.

La meilleure solution est de récupérer ce recommandé, de consulter un avocat pour demander une comparution la plus rapide possible, dans le cadre éventuellement d’une demande de comparution volontaire, pour faire abréger une période de suspension. Il s’agit donc de passer vite à la phase judiciaire dans laquelle l’avocat peut vous défendre, plutôt que de rester cantonné à la mesure de police sous le seul pouvoir du préfet qui fait, il faut bien le reconnaître, un petit peu ce qu’il veut en matière de suspension provisoire…

II. En matière d’annulation, faut-il aller chercher les recommandés ?

Le débat est encore plus virulent en ce qui concerne le fameux arrêté 48 SI d’invalidation du permis de conduire. Vous savez, parce que vous suivez votre décompte de points, que vous allez recevoir une lettre d’annulation du permis de conduire. Lorsque vous voyez un avis de passage du facteur, vous décidez de faire l’autruche et de ne pas récupérer ce recommandé pour pouvoir aller vite vous inscrire à un stage et récupérer des points. Est-ce la bonne façon de procéder ?

La réponse de notre cabinet est fermement négative. Il est parfaitement inutile de s’inscrire à un stage alors que le permis a déjà été invalidé et qu’une notification de la 48 SI a été effectuée à votre bonne adresse avec un avis de présentation du facteur. Votre stage ne sera pas pris en compte.

Il est également parfaitement inutile de faire comme si la 48 SI n’était jamais arrivée et de continuer à conduire puisque le permis de conduire sera considéré invalide dès lors que la notification a été faite à la bonne adresse.

La seule voie de recours intéressante est de considérer qu’il n’y a pas de notification à la bonne adresse. Dans ce cas-là, si vous avez déménagé et que vous n’avez jamais reçu cette 48 SI, peut-être nous pourrions envisager un recours contentieux, au-delà du délai de deux mois, et de contester la notification si elle a été effectuée à la mauvaise adresse.

Mais lorsque vous recevez traditionnellement vos PV et que vous attendez une 48 SI, il vaut mieux la récupérer et la soumettre le plus rapidement possible à votre avocat pour apprécier les recours dans le délai très court de deux mois et notamment la mise en place d’un référé d’urgence qui vous permettrait de reconduire en toute légalité.

En matière d’invalidation de permis de conduire, à partir du moment où le relevé d’information intégral comporte la mention zéro point et qu’il est inscrit dessus une ligne avec une notification de la 48 SI, le permis est invalide et c’est à ce moment-là qu’il faut agir pour pouvoir récupérer son permis de conduire par des voies légales dans le cadre des contestations qui sont très souvent efficaces devant le tribunal administratif.

Dans cette matière, il n’y a donc, là encore, pas lieu de refuser de récupérer les recommandés. Il vaut mieux être informé pour mieux se défendre.