LA DÉNONCIATION DES SALARIES EN PRATIQUE : MERCI PATRON !

Le nouveau système de dénonciation obligatoire des salariés est en place depuis le 1er janvier 2017 et nous constatons en notre qualité de praticien que celui-ci entraîne, comme nous l’avions prévu, plus de questions que de réponses, plus de difficultés que de remèdes et plus d’injustice que d’équilibre. Petite synthèse et rappel du contexte

Il a été érigé à nouveau une nouvelle contravention : la contravention de non-dénonciation son salarié à la charge du représentant légal qui reçoit un PV pour une infraction commise par un de ses véhicules dont la société est titulaire du certificat d’immatriculation.

CONTEXTE DE LA LOI

A ce jour, lorsque le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale, c’est le représentant légal qui reçoit le PV en tant que personne physique ; il est le titulaire de l’avis de contravention, c’est son nom qui figure sur l’avis de contravention et il voit sa responsabilité pénale engagée dès lors qu’il accepte de payer le PV.

En pratique, cette situation a généré une espèce de zone de non-droit puisque nous avons constaté que d’une manière inexpliquée et inexplicable, « bug informatique » ou carence du centre automatisé des amendes à RENNES, jamais les employeurs ne perdaient leurs points.

Donc dans un monde idéal de conciliation au sein de l’entreprise, nous avons vu de plus en plus d’employeurs accepter de payer les PV sur leurs deniers propres pour éviter des conflits sociaux et pour éviter de dénoncer leurs salariés.

C’est pour remédier à ce système qu’a été créé la nouvelle infraction de non-dénonciation.

Tout est fait pour inciter, voire obliger l’employeur à dénoncer ses salariés au détriment d’un système d’équilibre au sein de l’entreprise et dans un but de précarisation des permis de conduire des salariés , puisque lorsqu’ils seront dénoncés, ils devront payer l’amende et ils perdront les points en qualité d’auteurs.

Bilan Avant l’employeur ne perdait pas ses points, le salarié ne perdait pas ses points, l’amende était payée et pourtant, c’est à cet équilibre de fait que les tenants de la sécurité routière ont voulu remédier,  puisqu’on a considéré que c’était un système de dé-responsabilisation globale et qu’il fallait individualiser les sanctions des auteurs des contraventions routières.

LA CONTRAVENTION DE NON – DÉNONCIATION

Le champ d’application de la contravention de non-dénonciation est aujourd’hui établi, elle concerne toutes les infractions éditées à compter du 1er janvier 2017 sur des infractions relevée sans interpellation au volant de véhicule de sociétés. Nous voyons arriver dans nos cabinets des infractions commises en 2016, mais dont l’avis de contravention est édité depuis le 1er janvier 2017, donc la rétroactivité est acquise ; les nouvelles procédures se mettent en place….

A réception de ce PV, le chef d’entreprise a, on le voit aujourd’hui, toujours selon nous, trois options mais les conséquences ne sont plus les mêmes.

  1. La première option il peut toujours payer , qu’est-ce qui empêcherait un patron, conducteur de son propre véhicule de société, de payer ses propres PV ? Il ne va pas dénoncer, il ne peut pas dénoncer un salarié qu’il n’a pas, s’il est l’auteur des infractions, il faudra qu’il paye ses amendes. Est-ce qu’il viendra se cumuler à ce moment-là en édition au centre des amendes une nouvelle contravention pour non-dénonciation d’un salarié qu’il n’a pas ? quid ? Nous verrons… En toute hypothèse, il paraît aberrant, voire hallucinant, d’imposer à un patron de dénoncer des salariés qu’il n’a pas.
  2.  Deuxième système Il désigne ses salariés mais les salariés peuvent toujours contester. Ils feront bien également de résister sur le plan du fait que parce qu’ils ont été dénoncés, les salariés sont dans un système guidé autoproclamé de paiement des amendes. Ils reçoivent des contraventions qui sont donc éditées à leurs noms suite à la dénonciation par leur employeur et ils ont la possibilité de les contester , si ces contraventions sont irrégulières en la forme ou s’ils contestent la matérialité des faits, ils ont droit de porter le dossier devant une juridiction de proximité et de faire valoir leurs droits. Si la verbalisation n’était pas claire, si le lieu de commission de l’infraction n’est pas clairement défini, si l’excès de vitesse est contestable, si le radar est défaillant, si la constatation de l’infraction est douteuse, si la motivation de l’infraction est douteuse etc. autant d’arguments de droit dont le salarié n’est pas privé. Le système n’entraîne pas un paiement généralisé des PV automatiques. Le salarié qui reçoit le PV a toujours la possibilité de contester et il pourra être relaxé s’il a des éléments probants. Il convient de ne pas inverser la charge de la preuve, ce n’est pas aux employeurs de faire le travail du Ministère Public et de rapporter avec certitude la réalité de la commission d’une infraction.
  3.  Troisième cas de figure L’employeur peut toujours, selon nous, contester. Il existe toujours un cas numéro 3 sur la requête en exonération, il existe toujours la possibilité d’aller porter l’infraction devant la juridiction de proximité, de solliciter une requalification en qualité de redevable. Lorsque l’employeur paie un PV en sa qualité de titulaire du certificat d’immatriculation de la personne morale, il le paie en tant qu’auteur de l’infraction, donc il encourt une perte de points. Si l’infraction est requalifiée en qualité de redevable, il se protège au moins de la perte de points. La contestation sera donc toujours utile sur ce plan et il sera toujours possible également à l’employeur de faire valoir des arguments justifiant de l’impossibilité de dénoncer le salarié, de l’impossibilité de l’identifier de manière certaine et de faire valoir son système. Quid de la double verbalisation ? Nous ignorons tout encore des conséquences de cette double verbalisation, c’est-à-dire être verbalisé pour l’infraction initiale en tant que patron, c’est-à-dire être le titulaire du PV et ensuite lorsqu’on le paie, se voir infliger une contravention pour non-désignation. Quel est le montant de cette contravention ? La seule chose dont nous sommes certains, c’est que jamais, jamais une personne physique ne paiera une amende quintuplée.

Les amendes quintuplées sont réservées aux personnes morales. Les personnes morales ne sont désignées en qualité d’auteur des infractions au Code de la route quasiment jamais. Donc, le montant affiché de manière ostentatoire sur les PV de 3 750,00 euros pour les personnes morales est tout simplement pour nous de l’intox qui n’a d’autre vocation que de faire peur et de faire grimper la pression sur le destinataire de ce PV qui regardera ce chiffre et qui se dira « vite je dénonce, vite je paye et vite je ne conteste pas ».

Mon avis :

Je pense qu’il convient de résister et de continuer à contester. J’ignore dans quelle mesure ce système de dénonciation systématique des salariés sera mis en place. En toute hypothèse, en pratique, c’est vrai qu’il existe déjà dans les grands groupes ; qu’il est très rare de voir les grands groupes les employeurs payer les PV pour le compte de leurs salariés. Par contre, dans les petites PME, TPE ou entreprises familiales, il faudra réfléchir aux risques encourus et à la possibilité de toujours aller porter sa contestation devant une juridiction de proximité et d’exposer ses arguments auxquels il ne faudra jamais renoncer. On a toujours la possibilité de faire la preuve de son innocence ; on peut toujours être totalement relaxé ; il n’y aura pas d’amende, pas de retrait de points à moins, bien sûr, que le Ministère Public rapporte la preuve, lui, certaine de la culpabilité mais pour le coup, c’est son travail et c’est à lui de le faire et ce n’est pas aux employeurs de pallier aux carences du Ministère Public…